La toute première mention de rues dans Chablis date de 1198, époque de la construction de la collégiale. Il s’agit d’un accord conclu entre le seigneur de Chablis, en l’occurrence l’abbaye Saint-Martin de Tours via les chanoines de Chablis, et l’abbaye de Pontigny. Il y est précisé que les moines de Pontigny auront « la libre jouissance de leur bâtiment situé dans le faubourg de Chablis qui est au-dessous de (ce qui signifiait alors entre) trois voyes ». Au fil des siècles, on retrouve mention de ces trois voies ou rues « proches et au-devant du prieuré Saint-Cosme ». Ces trois rues sont aujourd’hui la rue du Puits (l’ancienne rue du Saulce, où se trouvait un grand saule), la rue Jeanne d’Arc (l’ancienne rue de Saint-Côme) et la rue de Chichée. Le bâtiment cité est le site historique du cellier du petit Pontigny, aujourd’hui le domaine de l’enclos.
Un « livre rouge » de la prévôté, nommé ainsi en raison de sa couverture en cuir rouge et datant de 1429 nous est parvenu. Il recense les dîmes dues au prévôt et cite certaines rues de Chablis.
- La rue de la Porte Auxerroise (actuelle rue Auxerroise).
- La rue Dame Sainte, non localisée, Dame Sainte signifiant Vierge Marie.
- La rue du Val de Colleau (Vau de Coureau), sans doute une rue du faubourg Saint-Pierre, en direction de Courgis. Le lieu-dit existe encore.
- La rue Bouchard, non localisée.
- La rue de la Courge, une longue rue, sans doute l’actuelle rue Jules Rathier, et son prolongement rue de Chichée
- La rue Saint-Espain (actuelle rue du Chevalier de la Barre).
Puis nous voyons apparaître un peu plus tard dans différents documents - La Grande rue tenant aux Places, devenue rue du Conduit, l’actuelle rue Paul Bert.
- La rue des Bouchers, devenue rue des Vieilles Boucheries.
- La rue des Orfèvres, sans doute dans le faubourg Saint-Pierre où il existe encore une rue des Argentiers.
- La rue du Chateault (sic), devenue rue des Ecoles, l’actuelle rue Louis Bro.
- Et plusieurs rues non localisées : la rue Bérault, la rue Levesque, la rue à la Forot, la rue des Augustins et la ruelle Borre.
Il existe aujourd’hui 110 rues, ruelles, impasses et places dans le Chablis d’avant la fusion avec Fyé, Milly et Poinchy.
Les anciennes rues ont souvent changé de nom, parfois plusieurs fois et souvent pour des raisons politiques (dont antimonarchisme et anticléricalisme). Par exemple, la rue Saint-Vincent, le Saint Patron des vignerons, devient à la révolution la rue Marat, du nom du député Montagnard partisan de la Terreur qui, suite à son assassinat par Charlotte Corday en juillet 1793, devient « martyr de la liberté » et icône révolutionnaire. A l’initiative des Piliers Chablisiens, la mairie rétablie son nom en 1984. Avec 27 mètres de long, c’est la rue la plus courte de Chablis. - La rue Laborde, s’est transformée en avenue de la Gare suite à l’arrivée du chemin de fer puis en avenue de la République quand la ligne a été fermée.
- La rue des Tanneries est devenue rue de l’Orme puis avenue Jean-Jaurès.
- La chaussée Saint-Sébastien s’est appelée grande rue de la Maladière, puis rue Aristide Briand puis avenue d’Oberwesel suite au jumelage Chablis Oberwesel.
- La rue Royale est devenue la rue Victor Hugo.
- La rue du Donjon, rue Jules Philippe.
- La rue du Cloître, rue Etienne Dolet, puis partiellement rue Molleveaux.
- La longue rue Saint-Côme, coupée transversalement par la rue du Panonceau, devient rue Jeanne d’Arc et rue Jean Lerouge
- La rue des Cordonniers a été raccourcie au niveau de la rue des Fossés et prolongée en rue Porte Noël.
- La rue de la Tour du Roi devient la rue Ernest Renan.
- La rue des Pressoirs devient la rue Monthyon, puis la rue Robert Fèvre
- La petite rue Saint-Martin devient rue Eusèbe Beaujean puis rue Abbé Duchâtel.
- La grande rue de Reugny devient les rues de Reugny et de Benjamin Constant.
- La Grande rue du Faubourg Saint-Pierre est partagée en rues Jules Rathier, Petite rue du Faubourg Saint-Pierre et Abel Hovelacque.
- La rue du Tilleul devient rue Emile Zola.
- La rue de l’Isle devient le quai de Reugny, le quai de l’Isle le quai Voltaire.
- La ruelle Pic Chamon devient la rue Pinson.
- La ruelle Monthyon, ruelle à Feu.
- Avenue de Juillet en avenue des Enfants de Chablis
Des places aussi ont changé de nom
- La place Napoléon est devenue place de la République
- La place de la Mission est devenue place Lafayette
- La place du Tilleul (autrefois du Tillet) est devenue place de la Révolution, puis du Général Gras
- La place du Marché est devenue place Charles De Gaulle
- La place de l’Eglise est devenue place du Regain
Certaines rues ont disparu au fil des ans et en particulier suite au bombardement du 15 juin 1940, à l’incendie qui s’en est suivi, et à la reconstruction : la rue de la Halle en partie (reste la partie rue de Lattre de Tassigny), la rue du Marché (il en reste l’impasse), la rue des deux Ponts (il en reste la rue du Pont), la rue Saint-Laurent (partie restante Rampon Léchin), la ruelle Molière, la ruelle Pilotelle. La place Emile Lamotte a été créée à l’emplacement de maisons détruites. L’aménagement du parking de la place Saint-Martin en 1967 a fait disparaître la rue de l’Ouest, la rue de l’Est et la rue de l’Echelle.
Des noms de rue évoquent des climats plantés en vigne : rue des Butteaux, rue de Montmains, rue de Séchet, rue de Châtain, rue de Beugnon, rue des Lys, rue de Séchet, rue des Epinottes, rue de Valvan.
Certaines dénominations sont simples à comprendre, rue des Moulins, des Fossés, du Four, de l’Hôpital, du Serein, de Derrière les Murs. Il en va de même pour les rues des Cordonniers, des Argentiers, des Vieilles Boucheries, des Juifs (quoique Juifs puisse avoir un sens plus large qu’aujourd’hui), rue de la Croix Duché (autrefois connue sous le nom de route de Courgis), rue du pressoir, rue des vendanges.
D’autres nécessitent d’être explicitées. Rue du Foulon renvoie à l’ancienne ferme du Foulon, et à l’autorisation donnée par la ville de Chablis vers 1829 d’y établir un foulon ou fouloir à draps. Rue du Tacot, du nom du train omnibus qui passait par Chablis. Rue de la Bretauche vient du mot brette, bretesche, sans doute une ancienne maison forte entre Chablis et Poinchy, un site archéologique a été identifié. Autre site archéologique la rue des Petits Dieux, près du lieu-dit éponyme, où ont été découvertes en 1885 deux statuettes de dieux lares, les dieux du foyer pour les romains. La rue de Moque Panier, près du lieu-dit du même nom, signifie terre pauvre, pauvre récolte. La rue de la Vieille Voie, près du lieu-dit éponyme renvoie à la voie romaine Auxerre à Tonnerre. Elle passait près de l’actuelle gendarmerie et traversait à gué le Serein près de l’actuel camping municipal pour rejoindre Collan par « la Montée de Tonnerre. »
Au fil des ans, certains noms de rue ont été déformés. La rue du Cantara était la rue du cantora, nom du chantre en latin, le responsable de la lecture et du chant à la collégiale. Le chapitre y possédait une propriété. La rue du champ du Fort était la rue du champ du Port, lieu d’entreposage des feuillettes (tonneaux) de vin avant leur départ en charrette pour le port fluvial d’Auxerre. La rue et le quai de Reugny sont une déformation de Reigny. L’abbaye de Reigny, située près de Vermenton possédait à Chablis autrefois des vignes, un cellier, et un four à proximité de l’actuel Domaine Billaud-Simon. La cour et la ruelle Hachon, en intermédiaire à Chon, renvoient à un ancien chablisien, du nom de Charton. Un autre chablisien cité en 1429, Perrin Poire, a eu une rue à son nom avant qu’elle ne devienne rue Poirin-Poire.
La construction de lotissements a fait apparaître une autre approche de noms de rue : rue des Pervenches, allée des Roses, allée des Lilas.
Trois boulevards ont été créés sur le glacis entourant les remparts, le boulevard Foy devenu Tacussel, le boulevard Jean-Jacques Rousseau devenu Ferrières (jumelage Chablis Ferrières), et le boulevard Lamarque.
Des grands hommes sont honorés. Des maréchaux ; Davout, de Lattre de Tassigny, Leclerc ; le général Lamarque, le général De Gaulle, Emile Zola, Victor Hugo, Aristide Briand, Jean Jaurès, Voltaire, Louis Pasteur. Mais aussi Paul Louis Courrier, Marcelin Berthelot, Abel Hovelacque, Ernest Renan, Benjamin Constant, Etienne Dolet, Jacques Laffitte, le Chevalier de la Barre.
D’anciens chablisiens ont leur rue : Jean Lerouge, l’abbé Foullot, Rampont Léchin, Molleveaux, Jules Rathier Jules Folliot, Jules Philippe, Joseph Tacussel, Emile Lamotte, Louis Bro, l’abbé Duchâtel, Robert Fèvre.
Une seule femme est présente parmi tous ces hommes, il s’agit de Jeanne d’Arc et elle est honorée en raison d’une légende locale. Son procès nous dit qu’elle est passée par Auxerre en 1429, de là en déduire qu’elle a dormi peu avant au prieuré Saint-Côme de Chablis, le doute est permis. Peut-être sera-t-elle rejointe un jour par Marie Soufflot, parente de l’architecte du Panthéon, donatrice et fondatrice en 1709 de la première école de filles de Chablis.
L’une des dernières rues inaugurées à Chablis est la rue de la Paix, rue de la salle « le Kimméridgien ». Elle complète la rue de l’Europe et la rue de la Liberté et nous rappelle la chance que nous avons de vivre en France…et à Chablis.